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Le pouvoir des questions en négociation

Article paru en pages 11 et 12 de la revue N°90 du Journal du Management Juridique d'Entreprises :  https://www.calameo.com/read/000000178ae247bf22e64

LE JOURNAL DU MANAGEMENT JURIDIQUE D’ENTREPRISES N°90  proposé par

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La plupart des vendeurs dans une concession automobile posent 4 à 5 questions en moyenne à leurs clients qui, de surcroit, sont souvent les mêmes. Ils cherchent juste à obtenir des informations qui confirment leurs hypothèses de départ. A contrario, les meilleurs vendeurs vont eux poser plus de 25 questions pour appréhender au mieux le modèle du monde et la réalité de leurs clients, bien au-delà de l’achat du véhicule en lui-même.  Ces vendeurs-là ont très vite compris que poser un maximum de questions est une garantie pour mieux répondre aux attentes de l’autre et ainsi contribuer à leurs objectifs de vente. Dit autrement, on ne peut pas influencer quelqu’un que l’on ne comprend pas et on ne peut pas comprendre quelqu’un sans s’intéresser à lui et son univers. On ne manipule pas ici, on cherche simplement à maximiser les chances de trouver un accord ensemble.

L’utilisation du questionnement apparaît donc comme un outil extrêmement puissant pour faire avancer une négociation. En effet, il est difficile pour notre cerveau de laisser une question en suspens ou bien encore de l’occulter. En coaching professionnel, il est d’usage de dire qu’une question sans réponse immédiate est souvent une excellente question car elle a permis de bousculer le champ de pensées habituel de son interlocuteur. Une question peut ainsi faire émerger des solutions nouvelles que l’autre n’avait même pas conscience jusqu’alors. C’est l’outil phare de l’écoute active par excellence ! 

L’intérêt du questionnement

L’intérêt en négociation est multiple, notamment :

  • Entrer en relation
  • Comprendre le monde de l’autre, ses enjeux, sa réalité
  • Faire réfléchir l’autre sur sa propre vision
  • Faire naître de nouvelles réponses 

Types de question

Chaque type de question à son utilité dans la séquence de négociation. Pour rappel, il en existe 3 principaux :

  • La question fermée

Elle commence souvent par « est-ce que » et invite l’autre à statuer avec une réponse par oui ou par non. En neurosciences, il est prouvé qu’en situation de stress on a tendance à poser des questions fermées (et à accélérer le rythme des échanges). Le cerveau a ainsi l’impression de garder le contrôle de la situation. 

  • La question ouverte

Elle appelle à des détails, des explications. Elle commence souvent par : comment, qui, quoi, combien, où, quand, pourquoi (l’acronyme correspondant est CQQCOQP). 

On évite tout de même le pourquoi qui rappelle trop souvent la notion de justification dans l’inconscient collectif. Exemple :

  • Pourquoi n’acceptez-vous pas le taux de pénalités proposé ? 

L’utilisation du quoi est alors plus à propos :

  • Qu’est-ce qui fait que le taux de pénalités proposé ne soit pas acceptable ?
  • En quoi le taux proposé devient un sujet ?  

Les questions commençant par qui, quand, combien et parfois sont moins ouvertes et plus inductives que le quoi, le comment et le pourquoi. « Quand est-ce que vous allez nous donner une réponse ? » sous-entend implicitement que l’autre partie va répondre. 

  • La question alternative

Ce type de questions propose de faire un choix entre des réponses prédéterminées. Elles sont donc fermées in fine. Elles permettent de statuer et de prioriser.

On peut néanmoins les mettre en semi-ouverte de la façon suivante :

  • Qu’est-qui est le plus important pour vous dans la partie financière : le calendrier de paiements, les termes de paiement, le tableau de résiliation ou bien encore autre chose? 

Transformer une question fermée en question ouverte

Pour changer une question fermée en question ouverte, on change « est-ce que » par « qu’est-ce que ». Effet garanti. Exemple :

  • Est-ce que vous êtes d’accord avec notre proposition ?

Devient alors :

  • Qu’est-ce que vous pensez de notre proposition ? 

A noter également qu’une question ouverte neutre ou plus large aura plus de pouvoir qu’une question orientée. Elle n’induit rien et laisse à l’autre la liberté de répondre ce qu’il a vraiment envie. Exemples :

  • Est-ce que l’échéancier de paiement vous convient ? question fermée
  • Que pensez-vous de l’échéancier de paiement proposé ? question ouverte ciblée
  • Que pensez-vous de notre proposition financière ? question ouverte plus large
  • Que pensez-vous de notre proposition (au global) ? question ouverte complètement neutre 

Situations & techniques

Pour conclure, je vous propose un panel non exhaustif de situations et techniques pour faire varier le questionnement à bon escient. L’idée n’a jamais été de conduire un interrogatoire de police mais plutôt de proposer un cadre où l’échange est fluide entre les parties. Faire varier les techniques selon les situations apporte cette souplesse. 

Généralisations, jugements, objections

On ne peut pas résoudre un mensonge. Quand votre interlocuteur dit : « c’est toujours pareil avec vous … vous ne respectez jamais vos engagements … vous êtes toujours en retard dans la livraison … », on a à faire à une généralisation ou à un jugement de sa part qu’il convient de rendre factuel.

On demande alors un exemple concret pour travailler dessus :

  • Tiens c’est intéressant, sur quoi vous basez-vous pour dire cela ?
  • Comment le savez-vous ?
  • Qu’est qui vous fait dire cela ?
  • Intéressant… dites m’en plus … c’était où, quand, avec qui ?
  • Quels sont les éléments qui vous poussent à dire cela ? 

On peut également utiliser ces mêmes questions pour répondre dans un 1er temps à une objection. Le client nous donnera alors des détails nécessaires pour bâtir ensuite un argumentaire idoine.

Règles et obligations

Quand falloir et/ ou devoir sont exprimés par l’autre partie. Exemples :

  • Je ne peux pas accepter cette clause
  • Il faut enlever cette déviation x

On peut demander ainsi :

  • Qu’est-ce qu’il vous empêche que cela soit autrement ?
  • Que se passerait-il si l’on conserve la déviation x ?
  • Qu’est-ce qui rend x difficile ?
  • Qu’est-ce qui vous impacte là-dedans ?

Objection argumentée par la négative

Quand la personne dit : « je ne peux pas accepter cela », on l’invite à formuler ce qu’il souhaite de façon positive :

 « J’ai bien compris ce que vous n’acceptez pas mais, du coup, qu’est-ce que vous voulez alors ? » 

Repérez les vrais oui ou non

Vous pouvez poser une question fermée dont vous connaissez parfaitement la réponse à l’avance pour voir comment s’exprime votre interlocuteur quand il est sûr de ce qu’il avance. Cela peut être utile pour bien distinguer l’authenticité des prochains oui ou non dans la discussion en ayant déjà un repère sur son para verbal et non verbal. 

Creuser la demande réelle derrière la demande apparente

Voici quelques questions utiles pour ce faire :

  • Qu’est-ce que vous cherchez à résoudre en demandant cela ?
  • Pourquoi est-ce vraiment important pour vous ?

La technique de la double répétition peut également servir :

  • De quoi avez-vous besoin derrière ce besoin?
  • De quoi avez-vous besoin quand vous avez besoin d’augmenter cette couverture ? 

Répétition du dernier mot ou du plus important dans la phrase de son interlocuteur

Le client : « les plafonds de pénalités proposés sont trop bas ! »

Le vendeur : « bas ? »

Il s’agit ensuite de faire silence pour le vendeur et attendre le feedback du client. Effet garanti également. 

Conclure un point d’accord

On peut utiliser la technique de la double reformulation pour obtenir un oui et un non coup sur coup. Cela a l’avantage de verrouiller les débats à venir.

  • Est-ce que ce sont les points les plus importants à traiter ? (oui)
  • Y-a-t-il d’autres points plus importants encore ? (non

La question pre-mortem

Idéal pour connaître les contraintes du client et anticiper les obstacles.

  • Quels obstacles pourraient nous empêcher de conclure à un accord ?

La question ONE THING

Idéal pour connaître la priorité des priorités.

  • Parmi tout ce que l’on a discuté, quel est le point clé ici que si on le résout tout le reste deviendra facile pour s’entendre ?

La position miroir

Demander à son interlocuteur de se mettre à notre place :

  • Comment vous justifierez la demande que vous me faites si vous deviez la faire à votre propre management ? j’ai besoin de vous pour apporter des éléments
  • Comment vous réagiriez si notre société vous faisait la même demande ? 

Quand une discussion tourne en rond

2 possibilités s’offrent à vous selon le feeling du moment :

  • Soit méta communiquer sur la situation : nous sommes allés au bout de ce que nous savons faire. Rien ne bouge maintenant. Que faisons-nous ? 
  • Faire comme si cela avance. Cela peut paraître contre-intuitif mais cela peut débloquer une situation. Exemple : on a déjà bien avancé ensemble. Comment peut-on continuer à progresser à partir de maintenant ? 

Cet article a été rendu possible sur la base de mon expérience terrain en négociation, les enseignements de l’école E2CM en contract management (Grégory Leveau), les formations dispensées par le Groupe Paradox (David Laroche) ainsi qu’avec le TEDx sur l’art de poser des bonnes questions (Frederic Falisse). Je reste bien entendu à votre entière disposition pour toute question que vous voudriez complémentaire. 

Laurent MASSON

Fondateur de la société Laurent MASSON D&T

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